L’été 1969 j’[Jean-Michel Doix] apprenais le métier à Saint-Amand, chez Charles Gaudry qui préparait, avec la complicité du docteur Mallet l’exposition « 400 ans de poterie en Puisaye », (ce qui m’a permis de toucher, très conscient de ma chance, des Carriès, des Pacton et autres pièces…). Je passais régulièrement en vélo devant la poterie Vannier- actuellement le CNIFOP – et je savais que ce « vieux » potier avait du laitier. Non sans difficulté il a accepté de m’en céder quelques kilos comme si c’était de l’or- avec le recul je sais qu’il avait raison, c’est l’or de la Puisaye. La même année j’utilisais celui-ci lors de ma première cuisson au bois, depuis je n’ai cessé de pratiquer cette technique d’émaillage avec des laitiers de différentes provenances.
Voilà ce que dit Marcel Poulet, spécialiste de la poterie poyaudine sur cette tradition :
« On ne saura probablement jamais comment est née l’idée d’utiliser ce résidu du traitement du minerai de fer pour émailler les poteries de grès. Il semble que cet émaillage se développe dans la seconde moitié du XVIIème siècle pour accompagner la production utilitaire traditionnelle jusqu’à sa disparition dans les premières décades de notre siècle. On le réservait aux petites pièces, aux intérieurs des pièces culinaires, aux pièces décoratives : épis de faîtage, pichets, gourdes, petits objets divers. Il aurait pu remplacer le bleu de cobalt pour les pièces décoratives de luxe encore produites vers 1630-1650 mais il a dû justement arriver un peu trop tard et on peut le regretter.
Car il a longtemps l’aspect somptueux d’un caramel foncé, épais et transparent, donnant aux pièces qu’il recouvre, le plus souvent partiellement, seulement rarement en entier, un aspect riche et précieux. A compter du milieu du XIXème siècle, le mélange de minium de plomb pour faciliter la fusion et l’obtention de résultats plus réguliers, le rend plus clair, plus plat et beaucoup moins attrayant.
D’autres traditions potières ont utilisé le laitier : le Haut-Berry dans la même période que la Puisaye, la région Sarthoise au XIXème siècle sous l’influence des potiers poyaudins embauchés à Malicorne pour y faire du grès. Mais c’est sans doute en Puisaye qu’il trouve sa plus belle expression avec des colorations parfois étonnantes et une qualité d’aspect inégalée.
Le laitier provient de la vitrification du fondant calcaire (la castine) ajouté au minerai de fer siliceux pour épurer ce dernier au cours de la fusion. Il se présente sous l’aspect de matière vitreuse, brillante à la cassure, de couleur bleue, vert, turquoise, même noire comme de l’obsidienne, et qui était trié dans des « ferriers », ces amas de scories qui parsèment les bois de Puisaye. Il fallait broyer très finement cette matière très dure dans des moulins à laitier constitués d’arbres à ergots actionnant de lourds pilons ferrés retombant dans des auges de pierre. Il y eut ainsi en Puisaye une dizaine de ces moulins spécialisés sur des ruisseaux ou des digues d’étangs, à Moutiers, Treigny, Saint-Amand, Arquian et animés par d’étranges meuniers. Ces « pileurs de lacquet » vendaient leur non moins étrange farine au bichet (environ 50 litres) à leurs clients maîtres-potiers qui en saupoudraient la surface humidifiée de leurs pots, épis, bouteilles qui font aujourd’hui la joie bien légitime des collectionneurs. » Marcel POULET
Plusieurs potiers actuels ont essayé et réussi la réutilisation du laitier…. …. Plus récemment encore le jeune potier* Jean-Michel DOIX utilise d’une façon courant cette ancienne technique.
Marcel POULET, La poterie traditionnelle de Grès de Puisaye
(*) en 1975 !… … …